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Contre les violences faites aux femmes, une nécessaire Loi-cadre

lundi 5 mars 2007

Article de Marion A, militante du Mouvement Français du Planning Familial : si le Portugal va dépénaliser l’avortement (voir en bas d’article), la France a aussi de nombreux efforts à faire pour avancer vers une loi-cadre, en suivant l’exemple espagnol.


Un contexte de banalisation des violences faites aux femmes en France ...

Une femme sur 10 est victime de violences conjugales,
50 000 viols par an,

Tous les 3 jours une femme meurt de violences conjugales en France,

11% des femmes sont victimes d’agressions sexuelles au cours de leur vie dans tous les milieux sociaux.

Par leurs luttes, les femmes ont conquis des droits notamment des lois pour lutter contre ces violences. Mais ces lois sont dispersées dans différents codes, inégalement et partiellement appliquées et surtout incomplètes.

De plus, malgré une volonté prétendument affichée de lutter contre ces violences la tolérance sociale est palpable : publicités sexistes, plaintes refusées dans les commissariats, classement sans-suite...

Pour en finir avec cet état de fait

En décembre 2004, une loi cadre considérant ces violences faites aux femmes comme un des piliers de la domination masculine a été adoptée en Espagne. Le Collectif National Droits des Femmes a élaboré une loi cadre (issu d’un travail colossal et collectif) qui s’en inspire et prend en compte les violences sexistes dans toutes leurs dimensions : prévention, sanction, accueil et accompagnement des victimes, protection des victimes, garantie de leur revenu et de leur droits...Cette loi cadre va plus loi que la loi espagnole car elle porte sur l’ensemble des violences faites aux femmes : violences dans la famille et dans le couple, au travail, dans les lieux publics, violences lesbophobes et prostitution.

Plusieurs éléments de contenu de cette loi cadre :

Elle inclut des mesures préventives, que ce soit en milieu scolaire, par la lutte contre la publicité sexiste, par la formation des professionnels de l’éducation, de la santé, de la justice, de l’Inspection du travail et du secteur social, ou par des campagnes de sensibilisation visant à décourager la demande afin de lutter contre le système prostitutionnel ;

Elle crée un délit de violences psychologiques et de violences lesbophobes ;

Elle interdit la médiation pénale dans les affaires de violences sexistes et lesbophobes ;

Elle prévoit la participation des associations féministes au suivi socio-judiciaire des hommes violents ;

Elle institue des tribunaux de la violence contre les femmes ;

En cas de non-lieu ou de classement sans suite, le juge d’instruction devra en informer la plaignante de vive voix .

Des actes maintenant !

La question des violences sexistes ne doit pas être instrumentalisée pour renforcer le tout sécuritaire prôné en ce moment par la classe politique. La loi cadre n’alourdit aucune peine. Elle supprime le délit de racolage passif et toutes les mesures de répression des prostituées. Elle prévoit une ordonnance de protection pour les femmes victimes de violences conjugales dans l’attente de leur procès. Elle prévoit des services d’accueil et d’urgence assurant l’information des victimes, le soutien psychologique, le soutien à l’insertion professionnelle et à l’hébergement.

Cette loi démontrerait une réelle volonté politique de l’Etat de lutter contre les violences et imposerait un budget national pour financer son application. En cette période électorale où nous parlons d’égalité entre les hommes et les femmes, cette loi cadre permettrait enfin de passer des actes et d’arrêter les beaux discours car il n’y aura pas d’égalité possible tant que les femmes seront harcelées, insultées, violées, et battues ou menacées de l’être.

A l’appel du Collectif national pour les droits des femmes et de la Fédération nationale solidarité femmes, avec le soutien d’Elu/es contre les violences faites aux femmes et du Groupe pour l’Abolition des Mutilations Sexuelles,
Une manifestation nationale contre les violences faites aux femmes aura lieu à Paris le samedi 24 mars 2007.

Cette manifestation sera un élément déterminant pour faire effectuer à la société française un réel saut qualitatif quant à la prise en compte des violences faites aux femmes.

Bataille gagnée pour le droit à l’avortement au Portugal

Les Portugaises vont enfin pouvoir disposer librement de leur corps. 59,3% des votant-e-s se sont prononcé-e-s en faveur de la dépénalisation de l’avortement au Portugal même si la participation (43,6) n’était pas forcément élevée.
La bataille n’était pas gagnée d’avance et elle fut longue et difficile. Elles reviennent de loin et peuvent savourer leur victoire. En effet, le premier référendum organisé au Portugal sur la question en 1998 avait vu la victoire du « non » l’emporter de justesse.

Des fleurs comme en-tête et du papier bleu sont les éléments de la carte qui peut apparaître comme anodine mais qui a fait scandale au Portugal et à juste titre. Distribuée dans plusieurs crèches avant le référendum, cette carte est une lettre imaginaire d’un fœtus envoyé à sa mère avec le texte suivant « Maman, comment as-tu pu me tuer ? Tu as fait ça car avec l’argent que je t’aurais coûté, tu voulais t’acheter un nouvel aspirateur. » Le camp du « non » a fait une campagne émotionnelle et immonde.

La loi portugaise autorisait jusqu’à présent, l’avortement dans trois cas : en cas de viol, en cas de risque pour la santé de la mère et en cas de malformation congénitale avérée du fœtus. Mais elle n’était toujours pas appliquée comme se fut le cas pour une femme de 41 ans paraplégique en fauteuil roulant à qui on a refusé de se faire avorter mettant en péril sa vie. De plus, les femmes ayant eu recours à l’avortement étaient persécutées, traînées en justice et condamnées à une peine de prison pouvant aller jusqu’à trois ans.
Le directeur de l’Association du planning familial, Duarte Villar, lève une zone d’ombre sur la situation des femmes au Portugal en avançant ces chiffres : 18 000 avortements clandestins et 900 « légaux » par an ; 6,5% des femmes qui ont avortées clandestinement ont des problèmes à vie ; 10 sont mortes en trois an.

Les groupes anti-avortement et la hiérarchie de l’église catholique ont menacé les catholiques qui voteraient « oui » d’excommunication automatique et d’interdiction de funérailles religieuses.
Cependant, des divisions sont apparues dans le camp « non » avec certains courant qui souhaitaient le droit à l’avortement que pour les femmes violées, d’autres souhaitent le remplacement des condamnations de prison par des travaux d’intérêts généraux et les derniers souhaitant une suppression des sanctions.

Le camp du « oui » s’articulait autour du Parti Socialiste et de mouvement pour le droit de choisir. Le Bloc de Gauche (associations féministes, partis politique de gauche et syndicats) s’est constitué en centrant la campagne autour de la criminalisation des femmes et leur persécution par la loi actuelle. 250 médecins se sont inscrit-e-s à l’association Médecins pour le choix contre un médecin en 1998.

Le débat a mis en lumière le malaise de la société portugaise qui souhaite rejoindre les autres pays européens mais traîne des « pesanteurs » idéologiques héritées de la lointaine dictature salazariste.

Le résultat n’est pas contraignant car moins de la moitié du corps électoral a participé au référendum. Mais le premier ministre a réaffirmé qu’il procéderait à un changement de la loi de toute manière. La première étape sera simple : elle consistera à retirer l’article du code pénal considérant l’avortement comme un crime. La seconde sera plus longue, car il faudra modifier le système de santé, traiter dans un sens ou dans un autre des points comme le délai de réflexion des femmes avant leur choix et le droit donné ou non aux médecins de faire valoir une clause de conscience.





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