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INFORMATION SUR LES DESSOUS DES POLITIQUES DE L’EMPLOI

Le chômage baissera en 2006... et les chômeurs seront maltraités

jeudi 16 mars 2006, par SUD ANPE Rhône-Alpes


Le chômage baissera en 2006...

Grâce à l’ingéniosité sans faille de notre bon gouvernement, le chômage a encore baissé. Les 23360 licenciés économiques, adhérents depuis juin 2005 des conventions de reclassement personnalisé et comptabilisés dans les statistiques non comme chômeurs mais comme stagiaires de la formation professionnelle

En juillet 2005 sont mises en place les conventions de reclassement personnalisé (CRP) qui permettent aux licenciés économiques des entreprises de moins de 1000 salariés de bénéficier d’une indemnisation supérieure à celle des autres demandeurs d’emploi et d’un suivi renforcé de l’ANPE pendant 8 mois. Les salariés qui adhèrent à cette convention ne sont pas comptabilisés dans les chiffres du chômage et sont référencés dans les statistiques comme « stagiaires de la formation professionnelle »., y sont sans doute pour quelque chose. Remercions-les.

Remercions aussi les demandeurs d’emploi non indemnisés qui ont cessé leur inscription par peur d’être radiés au troisième refus d’emploi.
Si les radiations pour refus d’offres ont toujours été et restent marginales à l’ANPE, l’effet d’annonce de mesures de rétorsion qui resteront lettre morte
Il est impossible de vérifier de façon fiable les refus d’offres d’emploi, notamment parce que les employeurs ne notent pas systématiquement qui a répondu ou non. a joué à plein : de nombreux demandeurs d’emploi n’ont pas renouvelé leur inscription, persuadés qu’on leur proposerait des offres ne correspondant pas à leur recherche - travail de nuit, emplois sous payés, offres de qualification inférieure à la leur... Ainsi, sur les motifs de sortie du chômage, « l’absence au contrôle » (traduire : absence de pointage) a concerné 91900 demandeurs d’emploi de plus de juillet à novembre 2005 que sur la même période de l’année précédente.

Cette baisse du chômage va se poursuivre en 2006. Elle aura pour cause, outre le « papy-boom », une augmentation massive des radiations administratives. Celles-ci sont presque exclusivement dues aux absences à convocation
La radiation pour absence à convocation est même une des tâches les plus automatisée de l’ANPE ; le paramétrage informatique émet à la demande des convocations à échéance fixes, suivies de radiations automatiques en cas d’absence du demandeur d’emploi.. La mise en place du PARE (Plan d’Aide au Retour à l’Emploi) en 2001, avec une convocation bi-annuelle, avait vu leur nombre augmenter de 200 %, dépassant certains mois 40000.

Or en 2006, le nombre de convocations sera multiplié par 6 : sous couvert de suivi personnalisé, les demandeurs d’emploi seront convoqués chaque mois à l’ANPE pour un entretien avec un conseiller. Ce dispositif concerne actuellement les personnes nouvellement inscrites, il s’étendra à tous les demandeurs d’emploi à partir de mai.

Cette extension à tous, la direction de l’ANPE la qualifie élégamment dans des documents internes destinés aux agents de « reprise de stock », n’hésitant pas à vanter sur la même page de ce document la « personnalisation de la relation » entre le conseiller et le portefeuille (c’est le terme utilisé) de 300 demandeurs d’emploi qu’il devra désormais suivre mensuellement en plus de son travail quotidien. A l’instar de la SNCF dans le passé, avec l’ANPE, tout est possible. Il suffira sans doute de greffer aux agents ANPE trois barrettes mémoire supplémentaires, de légiférer par décret que les journées ne font plus 24 heures mais 46, de démultiplier comme des petits pains les bureaux d’entretiens et de pousser un peu les murs des agences locales pour l’emploi, pour recevoir tous ces gens-là.

Il est vrai que le chômage devrait baisser et les portefeuilles des conseillers ANPE diminuer au fil du temps : si les convocations sont multipliées par six, de combien le seront les radiations ? Il est vrai aussi que 2006 précède 2007 et que la baisse du chômage escomptée devrait, le temps venu, être bien utile au gouvernement.

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... Et les chômeurs seront maltraités

Le suivi mensuel obligatoire des demandeurs d’emploi constitue de fait un retour au pointage physique, abandonné en 1984 (souvenez vous des longues heures d’attente devant les guichets de l’ANPE, dans des conditions particulièrement inhumaines et humiliantes...).

Même avec les recrutements annoncés, les entretiens ne pourront guère dépasser 7 à 10 minutes dans le meilleur des cas, contre 1/2 heure actuellement et 3/4 d’heure dans un passé pas si lointain.

Convoquer tout le monde pour proposer quoi ? 2,3 millions de chômeurs officiels (catégorie 1), 4 millions d’inscrits (toutes catégories confondues
Il y a 8 catégories de demandeurs d’emploi, seule la catégorie 1 est comptabilisée dans les statistiques du chômage.) pour quelles offres d’emploi ?

En 2003, Fillon annonçait 300000 offres d’emploi non satisfaites. Il se basait sur les chiffres du ministère du travail qui avait relevé 120000 offres d’emploi non pourvues à l’ANPE, en les multipliant par 2,5 tenu compte du fait que l’ANPE ne canalise que 40 % des offres du marché du travail. Il arrivait ainsi à 300000, une extrapolation très contestable qui tourne à la manipulation quand on sait que, par « offre d’emploi », on entend aussi bien le CDI temps plein que les offres d’extra pour une soirée dans la restauration ou de femme de ménage deux heures par semaine, bien plus difficiles à pourvoir ! De surcroît, c’est quand ils n’ont pas de personnel « sous la main » que les employeurs déposent les offres à l’ANPE. Quant aux 500000 de Villepin, on ne sait guère sur quoi elles reposent (une extrapolation de l’extrapolation précédente ?).

C’est donc bien de contrôle dont il s’agit. Il est d’ailleurs demandé aux conseillers ANPE de « changer de posture dans la conduite des entretiens », de se « responsabiliser », de « centrer l’entretien sur l’analyse des actions effectuées par le demandeur d’emploi »... Le travail d’aide et de suivi des demandeurs d’emploi, au coeur de l’utilité sociale et de l’intérêt du travail des agents ANPE, ne devrait pas résister à ce rouleau compresseur.

A ce contrôle s’ajoute l’instauration d’un traitement différencié des chômeurs selon un profilage effectué lors de leur inscription à l’ASSEDIC
Dans le parcours du combattant pour s’inscrire à l’ANPE, il faut d’abord passer par l’ASSEDIC, qui traite de l’indemnisation et de la gestion administrative des dossiers, puis par l’ANPE. A ce moment-là seulement, la personne est inscrite comme demandeur d’emploi. : tout comme une entreprise commerciale établit des cibles selon des profils types de clients, l’ASSEDIC attribuera à chaque demandeur d’emploi une probabilité de durée de chômage en fonction de critères statistiques dont certains (âge, sexe, nationalité, situation familiale...) sont plus que contestables sur le plan de la confidentialité des données individuelles
Les critères sont les suivants : bassin d’emploi, âge, sexe, nationalité, situation familiale, métier recherché, motif d’inscription ou de fin de contrat, durée du travail recherché, qualification, durée d’activité, métier exercé, secteur d’activité, régime d’indemnisation, montant d’indemnisation..

Ces profils types seront ensuite répartis en quatre catégories, qui iront de la recherche accélérée, où le demandeur d’emploi doit éjecter du siège assurance-chômage sous quatre mois, au parcours d’accompagnement social, voie de garage de 18 mois sous-traitée à des opérateurs privés.
Mieux vaut ne pas être algérien niveau CAP, femme seule avec deux enfants ou jeune sorti sans qualification du système scolaire pour ne pas être tatoué informatiquement comme trop éloigné de l’emploi par ce que l’ANPE nomme pudiquement « l’outil statistique de calcul de risques ».

Les demandeurs d’emploi ne sauront rien de ce profilage, effectué à leur insu, de la différenciation opérée de la main d’œuvre entre aptes, non aptes et moins aptes, de la catégorie dans laquelle ils auront été rangés.

Depuis quelque temps déjà, les chômeurs ne sont plus présentés comme des salariés involontairement privés d’emploi mais comme des fraudeurs profitant de leurs ASSEDIC ou du RMI.
Le suivi mensuel, sa gestion de stock, son contrôle, son profilage - témoigne qu’ils sont avant tout traités comme des stocks de viande mis aux enchères du capitalisme.

C’est ce que nous dénonçons par cette information sur les dessous des politiques de l’emploi.

Pour nous contacter :

SUD ANPE Rhône Alpes
12 bis rue des Trembles
38100 Grenoble

Tél : 04 76 22 00 15
Fax : 04 76 22 00 71
Courriel : sudanpe.ra@laposte.net





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